C’est un photographe d’un siècle passé, sur un petit territoire à la limite de l’Europe et du Moyen orient, un territoire ni totalement ci, ni totalement ça. Une Marche entre l’empire russe, l’empire ottoman et l’empire perse. Un carrefour de routes et de peuples, un monde qui se drape dans de merveilleux costumes, un monde qui aime le théâtre, un monde qui déjà se transformait rapidement, mais un monde encore en paix.
L’an passé, nous avions publié un premier ensemble de photos du Géorgien Alexandre Roinashvili (1846-1916). Il s’agissait essentiellement de portraits réalisés dans son studio de Tiflis — aujourd’hui Tbilissi : des aristocrates, des militaires et des poètes, des princesses et des actrices, des familles — et tous ces visages issus des peuples multiples du Caucase.
Les photos de ce second post reflètent une autre partie de son travail : huit années durant, à partir de 1880, Roinashvili a vécu et voyagé dans le Caucase, de la Kakhétie jusqu’au Daghestan. Là, il a autant photographié que collecté des objets, ce qui lui permit par la suite d’être à l’origine de la Société historique et ethnographique de Tiflis, dont les collections, accueillies tout d’abord par l’Université de Tbilissi, sont aujourd’hui conservées au Musée national géorgien.
Contrairement aux photos présentées précédemment, il s’agit ici le plus souvent de photos prises en extérieur, comme le faisait son contemporain et ami Ermakov à la même époque : photos de paysages, des montagnes géorgiennes tout au long de la route militaire ; images des montagnes et des villages du Daghestan où Roinashvili s’était installé ; ruines d’églises ou de forteresses arméniennes, tant en Arménie actuelle que dans les territoires alors russes du nord-est de la Turquie actuelle.
Et puis il y a encore de nombreux portraits, des photos qui reflètent encore une fois la diversité des peuples du Caucase : Arméniens, Géorgiens, Tatars, Lezghiens, Juifs des montagnes d’Azerbaïdjan. Des photos qui rappellent des temps anciens : guerriers de Khevsourétie en cotte de mailles, mekize (masseurs) des bains de Tbilissi, debout sur leurs « patients », et toutes ces femmes graves au visage sévère sous leurs voiles.
Là Roinashvili rejoint les préoccupations des ethnologues de son temps. La plupart de ces photographies, images réalisées en studio encore, à l’éclairage diffus, exposent les visages de face et de profil avec une annotation indiquant le groupe ethnique portée sur le négatif. Le cadrage à mi-corps des sujets assis insiste sur les costumes, les étoffes et les bijoux. Quelques clichés moins figés, toujours réalisés en studio pour la plupart, montrent des groupes.
D’autres, plus rares encore, sont des photos de foule — foule dans une rue, foule sur un marché, foule rassemblée pour une fête, leurs yeux tournés vers nous.
Excellente idée, de revisiter le legs de Roinashvili! Le billet de l'année dernière donnait envie d'en voir davantage (et à propos: joyeuses fêtes!).
ResponderEliminarJuste compliqué tout de même : les publications géorgiennes, sans être totalement "monolingues", n'offrent qu'un maigre fil conducteur en anglais (et un anglais hasardeux de surcroît). Il en ressort qu'au moment de la publication de ce premier volume de photos (le volume est non daté et l'impression de qualité moyenne), les photos de Roinashvili, d'Ermakov, et sans doute d'autres photographes géorgiens d'avant la révolution, étaient toutes en vrac dans des cartons, mélangées les unes aux autres. A priori, le Musée national géorgien a fait aujourd'hui plus ou moins le tri (mais ne les expose pas semble-t-il, ou pas en continu — ce qui le l'empêche pas de présenter de très belles expos de photos contemporaines par ailleurs).
ResponderEliminarEt bonnes fêtes à tous, oui!