La plupart de ces sculpteurs sont restés inconnus, ils n’ont pas toujours signé leurs œuvres et les contrats qui les liaient aux commanditaires ont disparu. Ne restent que les statues, silencieuses, attentives.
Il faut avancer au-delà des grands vitraux à grisaille du Jugement dernier puis descendre cinq marches : le lieu n’est ni à proprement parler une crypte, ni une chapelle latérale, ni tout à fait un tombeau — mais c’est ce qu’il figure. On descend ces quelques marches dans la pénombre — presque l’obscurité.
Oui, on descend dans l’obscurité et là, avant de voir le groupe de la Mise au tombeau, on s’effraie de passer entre les gardes qui se tiennent de part et d’autre de la porte.
Les gardes. Plus grands que nature, leurs yeux sont plein d’effroi. Depuis 1515, ils regardent ce qu’ils ne parviennent pas à croire, avant de s’endormir et d’être ailleurs lors de la résurrection. Depuis 1515, ils se tiennent là dans leurs costume renaissance, la lance à la main.
Ensuite, vos yeux se sont faits à la pénombre et vous avancez. Il y a Nicodème, la Vierge Marie, Jean, Marie Salomé et Marie de Magdala avec le vase de parfum, Marie de Clopas et Joseph d’Arimathie aux pieds du Christ, Joseph et ce corps de pierre blanche, lisse d’avoir été caressé pendant des siècles. Tous ces personnages sont à peine plus grands que vous, juste assez pour vous maintenir dans l’humilité de votre position tout en étant indiciblement humains. Et ces mains de pierre, patientes, attentives, retenues un instant avant de refermer le linceul. Et des yeux de pierre, de vrais yeux qui regardent sans qu’on croise leur regard car ils voient ce que nul n’a vu et, dans leur étonnement d’avoir vu, ils se tournent vers leurs propres pensées.
Voilà, dans l’ombre, vous rencontrez la pensée, elle vous attend depuis 1515 et vous êtes tout petit devant elle.
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